Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/209

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bientôt réuni 70 000 hommes dans son camp de Néphéris, et fait douter les consuls du succès de leur entreprise[1].

L’armée romaine rencontra une résistance à laquelle elle était loin de s’attendre. Compromise par Manilius, elle est sauvée par le tribun Scipion Émilien, sur lequel alors se portent tous les regards. De retour à Rome, il fut, en 607, élu consul à trente-six ans et chargé de la direction de la guerre, qui prit désormais une nouvelle face. Bientôt Carthage est enfermée dans des ouvrages d’un travail prodigieux ; sur la terre ferme, des retranchements entourent la place et protègent les assiégeants ; dans la mer, une digue colossale intercepte toutes les communications, et livre la ville à la famine ; mais les Carthaginois construisent dans leur port intérieur une seconde flotte et creusent une nouvelle communication avec la mer. Scipion va pendant l’hiver forcer le camp de Néphéris, et au retour du printemps s’empare de la première enceinte ; enfin, après un siège qui durait depuis trois années et des efforts héroïques de part et d’autre, la ville et sa citadelle Byrsa sont emportées et détruites de fond en comble. Asdrubal se rendit avec cinquante mille habitants, reste d’une immense population ; mais sur un pan de mur, débris de l’incendie, on vit la femme du dernier chef carthaginois, parée de ses plus beaux vêtements, maudire son mari, qui n’avait pas su mourir ; puis, après avoir égorgé ses deux enfants, se précipiter dans les flammes. Triste image d’une nation qui achève elle-même sa ruine, mais qui ne succombe pas sans gloire.

Lorsque le vaisseau chargé de dépouilles magnifiques et orné de lauriers entra dans le Tibre, porteur de la grande nouvelle, tous les citoyens se précipitèrent dans les rues en s’embrassant et se félicitant d’une si heureuse victoire. Alors

  1. Appien, Guerres puniques, xciii et suiv.