Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/254

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au milieu même de son camp. Privée de chef, son armée passa à l’ennemi ; le sénat n’avait plus de défenseurs, la populace se soulevait : Rome ouvrit ses portes à Cinna et à Marius.

Les vainqueurs se montrèrent impitoyables, en mettant à mort, souvent avec des raffinements de cruauté inconnus aux Romains, les partisans de la faction aristocratique tombés entre leurs mains. Pendant plusieurs jours, les esclaves que Cinna avait appelés à la liberté se livrèrent à tous les excès. Sertorius, le seul des chefs du parti démocratique qui eût quelques sentiments de justice, fit un exemple de ces misérables et en massacra près de quatre mille[1].

Marius et Cinna avaient proclamé, en s’avançant contre Rome les armes à la main, que leur but était d’assurer aux Italiotes l’entière jouissance des droits de cité romaine ; ils se déclarèrent consuls l’un et l’autre pour l’année 668. Leur puissance était trop considérable pour être contestée, les nouveaux citoyens leur fournissant un contingent de trente légions, soit 150 000 hommes[2]. Marius mourut subitement, treize jours après être entré en charge, et le parti démocratique perdit en lui le seul homme dont le prestige le couvrit encore. Un fait auquel ses funérailles donnèrent lieu peint les mœurs de l’époque et le caractère de la révolution qui venait de s’opérer. Il fallait un sacrifice extraordinaire sur sa tombe ; le pontife Q. Mucius Scævola, un des vieillards les plus respectables de la noblesse, fut la victime désignée. Conduit en pompe devant le bûcher du vainqueur des Cimbres, il fut frappé par le sacrificateur, qui, d’une main mal exercée, lui enfonça le couteau dans la gorge sans le tuer.

  1. Plutarque, Sertorius, v.
  2. « Cinna comptait sur cette grande multitude de nouveaux Romains, qui lui fournissaient plus de trois cents cohortes, réparties en trente légions. Pour donner à sa faction le crédit et l’autorité nécessaires, il rappela les deux Marius et les autres exilés. » (Velleius Paterculus, II, xx.)