Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/263

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injuriis). La lex majestatis complétait, pour ainsi dire, la précédente[1]. Au nombre des crimes de lèse-majesté, punis de la peine capitale, se trouvent les excès des magistrats chargés de l’administration des provinces. Quitter son gouvernement sans congé du sénat, conduire une armée hors des limites de sa province, entreprendre une guerre sans autorisation, traiter avec des chefs étrangers, tels furent les principaux actes qualifiés de crimes contre la République. Il n’y en avait pas un dont Sylla ne se fût rendu coupable.

Sylla abdiqua en 675, seule action extraordinaire qui lui restât à accomplir. Lui qui avait porté le deuil chez tant de familles, il rentra seul dans sa maison, à travers une foule respectueuse et soumise. Tel était l’ascendant de son ancien pouvoir, soutenu d’ailleurs par les dix mille cornéliens présents dans Rome et dévoués à sa personne[2], que, redevenu simple citoyen, on le laissa agir en maître absolu, et, la veille même de sa mort, arrivée en 676, il se rendait l’exécuteur d’une impitoyable justice, en osant faire impunément égorger sous ses yeux le préteur Granius, coupable de concussion[3].

Ses funérailles furent d’une magnificence inouïe ; on porta son corps au Champ-de-Mars, où jusqu’alors les rois seuls avaient été inhumés[4]. Il laissait l’Italie domptée, mais non soumise ; les grands au pouvoir, mais sans autorité morale ; ses partisans enrichis, mais tremblants pour leurs richesses ; les nombreuses victimes de la tyrannie terrassées, mais frémissantes sous l’oppression ; enfin, Rome avertie qu’elle

  1. Cicéron, De l’Orateur, II, xxxix. — « Loi qui chez les anciens embrassait des objets différents : trahisons à l’armée, séditions à Rome, abaissement de la majesté du peuple romain par la mauvaise gestion d’un magistrat. » (Tacite, Annales, I, lxxii.)
  2. Appien, Guerres civiles, I, xii, 104.
  3. Il attendait la mort du dictateur pour frustrer le trésor d’une somme qu’il devait à l’État. (Plutarque, Sylla, xlvi.)
  4. Appien, Guerres civiles, I, xii, 106.