Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/293

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geaient d’acheter les voix ; interpretes, les entremetteurs ; sequestres, ceux chez lesquels on déposait la somme à payer[1]. Il s’était formé de nombreuses sociétés secrètes pour l’exploitation du droit de suffrage ; elles se divisaient en décuries, dont les chefs particuliers obéissaient à un chef suprême, qui traitait avec les candidats et leur vendait les votes de ses associés, soit pour de l’argent, soit en stipulant à leur profit ou au sien certains avantages. Ces sociétés faisaient la plupart des élections, et Cicéron lui-même, qui se vanta si souvent de l’unanimité avec laquelle il avait été nommé consul, leur dut une grande partie des suffrages qu’il obtint[2].

Toutes les sentences des tribunaux composés de sénateurs étaient dictées par une vénalité si flagrante, que Cicéron la flétrit en ces termes : « Je démontrerai par des preuves certaines les coupables intrigues, les infamies qui ont souillé les pouvoirs judiciaires depuis dix ans qu’ils sont confiés au sénat. Le peuple romain apprendra de moi comment l’ordre des chevaliers a rendu la justice pendant près de cinquante années consécutives, sans que le plus léger soupçon d’avoir reçu de l’argent pour un jugement pro-

  1. Cicéron, Première action contre Verrès, 8, 9, 12 ; Deuxième action, I, 29. — Pseudo-Asconius, Sur la première action contre Verrès, p. 145, éd. Orelli. Les discours de Cicéron sont remplis d’allusions à ces agents pour l’achat des votes et des juges.
  2. « Dans ces dernières années, des hommes qui font métier d’intriguer dans les élections sont parvenus, à force de soins et d’adresse, à se faire accorder par les citoyens de leurs tribus tout ce qu’ils pourraient leur demander. Tâchez, par quelque moyen que ce soit, d’obtenir que ces hommes vous servent sincèrement et avec la ferme volonté de réussir. Vous l’obtiendriez si l’on était aussi reconnaissant qu’on doit l’être ; et vous l’obtiendrez, j’en suis assuré, car, depuis deux ans, quatre sociétés des plus influentes dans les élections, celles de Marcus Fundanius, de Quintus Gallius, de Gaius Cornelius et de Gaius Orcivius, se sont engagées avec vous. J’étais présent lorsqu’on vous confia les causes de ces hommes, et je sais ce qui vous a été promis et quelles garanties vous ont été données par leurs associés. » (Sur la pétition au Consulat adressée à Cicéron par son frère Quintus, v.)