Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/300

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et lui-même, d’un esprit médiocre et vaniteux, rapportait à son seul mérite les faveurs de la fortune. Recherchant le pouvoir pour s’en parer plutôt que pour s’en servir, il le convoitait, non dans l’espoir de faire triompher une cause ou un principe, mais afin d’en jouir paisiblement en ménageant les différents partis. Ainsi, tandis que pour César la puissance était un moyen, pour lui elle n’était qu’un but, Honnête, mais indécis, il était, sans le savoir, l’instrument de ceux qui le flattaient. Ses manières prévenantes, les apparences du désintéressement, qui déguisaient son ambition, éloignaient de lui tout soupçon d’aspirer au pouvoir suprême[1]. Général habile dans les temps ordinaires, il fut grand tant que les événements ne furent pas plus grands que lui. Néanmoins il jouissait alors à Rome de la plus haute renommée. Par ses antécédents, il était plutôt le représentant du parti de l’aristocratie, mais le désir de se concilier la faveur publique et sa propre intelligence lui faisaient comprendre la nécessité de certaines modifications dans les lois ; aussi, avant d’entrer dans Rome pour célébrer son triomphe sur les Celtibères, il manifesta l’intention de rétablir les prérogatives des tribuns, de faire cesser la dévastation et l’oppression des provinces, de rendre à la justice son impartialité, aux juges leur considération[2]. Il était

  1. « Il était dans son caractère de témoigner peu d’empressement pour ce qu’il ambitionnait. » (Dion-Cassius, XXXVI, vii.) « Pompée, au cœur aussi pervers que son visage était modeste. » (Salluste, Fragm. II, 176.)
  2. « Enfin, lorsque Pompée, haranguant pour la première fois le peuple aux portes de la ville, en qualité de consul désigné, vint à traiter le point qui semblait devoir, être le plus vivement attendu, et fit comprendre qu’il rétablirait la puissance tribunitienne, il fut accueilli par un léger bruit, un léger murmure d’assentiment ; mais quand il ajouta que les provinces étaient dévastées et opprimées, les tribunaux flétris, les juges sans pudeur, qu’il voulait veiller à ces abus et y mettre ordre, alors ce ne fut pas par un simple murmure, mais par des acclamations unanimes, que le peuple témoigna ses désirs. » (Cicéron, Première action contre Verrès, 15.)