Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/329

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son absence, la chance d’être choisi pour décemvir. Elle permettait à quelques individus de disposer de royaumes comme l’Égypte et des immenses territoires de l’Asie ; Capoue deviendrait la capitale de l’Italie, et Rome, entourée d’une ceinture de colonies militaires dévouées à dix nouveaux tyrans, perdrait son indépendance. Acheter des terres au lieu de partager l’ager publicus était une monstruosité, et il ne pouvait admettre qu’on engageât la population à abandonner la capitale pour aller languir dans les campagnes. Puis, faisant ressortir le double intérêt personnel de l’auteur de la loi, il rappela que le beau-père de Rullus s’était enrichi des dépouilles des proscrits, et que Rullus lui-même se réservait la faculté d’être nommé décemvir.

Cicéron néanmoins signale clairement le caractère politique du projet, tout en le blâmant, lorsqu’il dit : « La nouvelle loi enrichit ceux qui occupaient les terres domaniales, et les soustrait à l’indignation publique. Que de gens sont embarrassés de leurs vastes possessions, et ne peuvent supporter la haine attachée aux largesses de Sylla ! Combien voudraient les vendre et ne trouvent point d’acheteurs ! Combien cherchent un moyen, quel qu’il soit, de s’en dessaisir !… Et vous, Romains, vous irez vendre ces revenus que vos aïeux vous ont acquis au prix de tant de sueurs et de sang, pour augmenter la fortune et assurer la tranquillité des possesseurs des biens confisqués par Sylla[1] ! »

On le voit, Cicéron semble nier la nécessité de faire cesser les inquiétudes des nouveaux et nombreux acquéreurs de cette sorte de biens nationaux ; et cependant, lorsque peu de temps après un autre tribun proposa de relever de la dégradation civique les fils des proscrits, il s’y opposa, non

  1. Cicéron, Deuxième discours sur la loi agraire, xxvi.