Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/331

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l’ombre, préparaient une révolution, et César, blessé de voir le sénat méconnaître cette sage et ancienne politique qui avait sauvé Rome de tant d’agitations, résolut de saper par tous les moyens son autorité. Dans ce but, il engagea le tribun T. Labienus, le même qui fut plus tard un de ses meilleurs lieutenants, à soulever une accusation criminelle qui était une attaque directe contre l’abus de l’une des prérogatives du gouvernement[1].


Procès de Rabirius (691).

III. Depuis longtemps, lorsque des troubles intérieurs ou extérieurs étaient à craindre, on mettait, pour ainsi dire, Rome en état de siège par la formule sacramentelle d’après laquelle il était enjoint aux consuls de veiller à ce que la République ne reçût aucun dommage ; alors le pouvoir des consuls était sans limites[2], et souvent, dans des séditions, le sénat avait profité de cette omnipotence pour se défaire de certains factieux sans observer les formes de la justice. Plus les agitations étaient devenues fréquentes, plus on avait usé de ce remède extrême. Les tribuns protestaient toujours inutilement contre une mesure qui suspendait toutes les lois établies, légitimait les assassinats, faisait de Rome un champ de bataille. Labienus tenta de nouveau d’émousser dans les mains du sénat une arme si redoutable.

Trente-sept années auparavant, on s’en souvient, Saturninus, promoteur violent d’une loi agraire, s’était, à la faveur d’une émeute, emparé du Capitole ; la patrie avait

  1. « On veut ôter à la République tout refuge, toute garantie de salut en des conjonctures difficiles. » (Cicéron, Discours pour Rabirius, ii.)
  2. « Cette puissance suprême que, d’après les institutions de Rome, le sénat confère aux magistrats consiste à lever des troupes, à faire la guerre, à contenir dans le devoir, par tous les moyens, les alliés et les citoyens ; à exercer souverainement, tant à Rome qu’au dehors, l’autorité civile et militaire. Dans tout autre cas, sans l’ordre exprès du peuple, aucune de ces prérogatives n’est attribuée aux consuls. » (Salluste, Catilina, xxix.)