Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/42

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rentes, la considération attachée à chacune d’elles. Pendant longtemps, celui qu’honorait la confiance de ses concitoyens, outre l’illustration de la naissance, jouissait du triple prestige que donne la fonction du juge, du prêtre, du guerrier.

L’indépendance presque absolue dans l’exercice du commandement contribuait encore au développement des facultés. Aujourd’hui nos habitudes constitutionnelles ont érigé en principe la défiance envers le pouvoir ; à Rome, c’était la confiance. Dans nos sociétés modernes, le dépositaire d’une autorité quelconque est toujours retenu par des liens puissants ; il obéit à une loi précise, à un règlement minutieux, à un supérieur. Le Romain, au contraire, abandonné à sa seule responsabilité, se sentait dégagé de toute entrave ; il commandait en maître dans la sphère de ses attributions. Le contre-poids de cette indépendance était la courte durée des magistratures et le droit, donné à chacun, d’accuser tout magistrat au sortir de sa charge.

La prépondérance de la haute classe reposait donc sur une supériorité légitime, et cette classe, en outre, savait exploiter à son avantage les passions populaires. Elle ne voulait de la liberté que pour elle-même, mais elle savait en faire briller l’image aux yeux de la foule, et toujours le nom du peuple était associé aux décrets du sénat. Fière d’avoir contribué à la chute du pouvoir d’un seul, elle avait soin d’entretenir parmi les masses la crainte imaginaire du retour de la royauté. Entre ses mains la haine des tyrans deviendra une arme redoutable à tous ceux qui s’élèveront au-dessus des autres, soit en menaçant ses privilèges, soit en acquérant trop de popularité par leurs bienfaits. Ainsi, sous le prétexte, sans cesse renouvelé, d’aspirer à la royauté, succomberont le consul Spurius Cassius, en 269, parce qu’il avait présenté la première loi agraire ; Spurius Melius, en 315, parce qu’en distribuant du blé au peuple, pendant