Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/501

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semble d’après une lettre de Cicéron, et le sénat se montra disposé à rappeler César pour les ides de novembre de 704. Il n’y eut pas néanmoins de résultat décisif. On n’osait pas s’engager encore dans une lutte à outrance : Curion, à lui seul, faisait trembler le sénat par son opposition[1].

Lorsqu’au sein de cette assemblée C. Marcellus déclamait contre César, Curion prenait la parole, louait la prudence du consul, approuvait fort que le vainqueur des Gaules fût sommé de licencier son armée ; mais il insinuait qu’il ne serait pas moins désirable de voir Pompée licencier la sienne. « Ces grands généraux, disait-il, lui étaient suspects, et il n’y aurait pas de tranquillité pour la République tant que l’un et l’autre ne seraient pas devenus des hommes privés[2]. » Ces discours plaisaient au peuple, qui commençait d’ailleurs à perdre beaucoup de son estime pour Pompée, depuis que, par sa loi sur la brigue, un grand nombre de citoyens étaient condamnés à l’exil. On louait de tous côtés Curion : on admirait son courage à braver deux hommes si puissants, et plusieurs fois une foule immense le reconduisit à sa maison en lui jetant des fleurs, « comme à un athlète, dit Appien, qui vient de soutenir un combat rude et périlleux[3]. »

  1. « Pompée paraît d’accord avec le sénat pour exiger absolument le retour de César aux ides de novembre. Curion est décidé à tout plutôt que de le souffrir : il fait bon marché du reste. Nos gens, que vous connaissez bien, n’osent s’engager dans une lutte à outrance. Voici l’état de la scène. Pompée, en homme qui, sans attaquer César, entend ne lui concéder que ce qui est juste, accuse Curion d’être un agent de discorde. Au fond, il ne veut pas que César soit désigné consul avant d’avoir remis son armée et sa province, et il redoute singulièrement que cela n’arrive. Il est assez malmené par Curion, qui lui jette continuellement au nez son second consulat. Je vous le prédis : si l’on ne garde des ménagements avec Curion, César y gagnera un défenseur. Avec l’effroi qu’ils laissent voir de l’opposition d’un tribun, ils feront tant que César restera indéfiniment le maître dans les Gaules. » (Cicéron, Lettres familières, VIII, xi.)
  2. Dion-Cassius, XL, lxi. — Appien, Guerres civiles, II, xxvii.
  3. Appien, Guerres civiles, II, xxvii.