Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/109

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au bout d’un quart d’heure, lorsqu’on fut en vue des fermes de la Côte, il se tâta le ventre en faisant la grimace.

— J’sais pas si c’est l’embêtement d’avoir été pincé, avoua-t-il, mais v’ la colique qui me prend. Voudriez-vous m’enlever une petite minute vos instruments pendant que…

Les deux gabelous s’interrogèrent du regard, mais gagnés par la bonhomie du prisonnier, assurés qu’ils étaient de sa lourdeur et de sa fatigue et confiants en leur force et leur agilité, ils acquiescèrent et libérèrent les mains de Kinkin tout en ne le quittant pas, d’ailleurs, d’une semelle.

Kinkin, gentiment, fit ce qu’il devait faire, renoua ses cordons de souliers, se boutonna soigneusement, assujettit sa casquette puis vint se placer entre les deux douaniers, tendant docilement à l’un et à l’autre chacun de ses poignets.

Sans défiance, ils allaient lui repasser les menottes quand, d’un seul coup, de chaque main empoignant un gabelou, il les lança l’un et l’autre, avec une vigueur foudroyante, dans le fossé gauche de la route où ils allèrent pirouetter, tandis que lui, à toutes jambes, sans lâcher son ballot, filait tel un lièvre par la droite, vers les maisons de la Côte.

Sitôt qu’ils furent redressés, les deux douaniers, ahuris et furieux, s’élancèrent à sa poursuite, sacrant et jurant de tous leurs poumons :