Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/116

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— Nous allons prendre des fusils et la cerner ; nous la tuerons et son escarboucle nous fera tous riches !

Personne ne discuta. Un rêve de lucre plana sur l’assemblée.

Deux minutes après, les tricots boutonnés, les gros brodequins lacés, ils étaient prêts à partir, le fusil à la main.

Le plan d’attaque était simple.

On allait remonter la Moraie en profitant de l’abri des buissons, s’espacer à gauche pour lui couper la retraite sur les bois de Valrimont et se rabattre en demi-cercle vers l’endroit désigné par Jean-Claude. Il n’y aurait de libre que l’espace découvert assez restreint du couchant par où, si elle voulait fuir, on pourrait la tirer avec des chances de l’atteindre.

Narcisse, le chasseur, un des meilleurs fusils du canton, tirerait le premier.

Dévalant la combe des prés, les tirailleurs, en grand silence, s’égaillèrent sous le clair de lune.

Sans bruit, au centre, Jean-Claude rampait près de Narcisse ; ils allaient lentement, comme englués dans la brume. À côté d’eux, le ruisseau chantait sur les graviers, élevant la voix aux tournants comme pour appeler les petits flots retardataires qui musaient aux berges ; la nuit était limpide et le croissant de lune brillait clair dans l’azur noirci.