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Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/158

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le sol, détourner toutes les feuilles et toutes les branches l’une après l’autre, pas une piécette nouvelle n’apparut, et, un quart d’heure après, morne et désolé, il pleurait à côté de sa chèvre.

— Comment faire, grands dieux, comment faire ?

Des envies folles lui venaient de rosser Blanchette à coups de trique ; mais cela ne changerait rien à la situation, et, furibond il sacrait comme un païen pour se soulager un peu.

Le front barré des plis de la plus douloureuse perplexité, il était là, immobile demandant, après l’avoir vigoureusement blasphémé, un miracle à son Dieu, quand apparut au loin la silhouette de m’sieu le curé de Rocfontaine qui venait déjeuner avec son collègue de Longeverne.

Camus crut aux miracles et remercia le ciel.

Pleurant à chaudes larmes, invoquant tous les saints du Paradis il symbolisait la désolation la plus intégrale quand le voyageur approchant, ému d’un tel désespoir, le rejoignit enfin :

— Qu’est-ce que tu as, mon enfant ?

En phrases entrecoupées, noyées de larmes, hachées de sanglots, Camus exposa la situation, narrant à sa façon l’accident.

— J’ai pus que quat’ sous et j’peux pas aller comme ça chez Gosey, et pis, si j’rent’e chez nous, c’est mon père qui va m’fiche la pile.

— C’est bien ennuyeux, en effet, concéda l’interlocuteur.