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Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/20

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Nous rapprochons de la fin — pour Pergaud.

La lettre suivante est datée du 22 mars 1915 :

Je viens de vivre quelques journées inoubliables. Le 19, on nous a lancés à l’assaut de tranchées boches formidablement retranchées sur lesquelles l’artillerie, malgré une « bouzillade » furieuse n’avait aucun effet. J’ai vu tomber à mes côtés quantité de braves dont le sacrifice héroïque méritait mieux que ça. Au demeurant, c’était une opération stupide à tous les points de vue… ; mais il fallait sans doute une troisième étoile au c… sinistre qui commande la division de marche et qui a nom B… de M… Je vous donne là l’opinion de tout le régiment qui, sans rien dire, a obéi comme il devait, se faisant hacher par les mitrailleuses et les marmites. Comment ai-je pu passer au travers ? Je l’ignore ; mais je n’oublierai jamais ce champ de bataille tragique, les morts, les blessés, les mares de sang, les fragments de cervelle, les plaintes, la nuit noire illuminée de fusées, et le 75 achevant nos blessés accrochés aux fils de fer qui nous séparent des lignes ennemies. Ça va recommencer demain… mais on ne passera que sur nos cadavres ; je suis aussi sûr de mes poilus que de moi-même.

À sa femme, Pergaud écrivait, à la même date, la même chose :