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C’était le fusil du Mousse.

Le facteur Blénoir descendit directement chez la Moussotte auprès de qui s’entassaient les commères et où son entrée fit sensation.

Il parla :

En traversant « le Blue », immense marais semé de flaques stagnantes, de champs de roseaux, de trous sans fond, sillonné la nuit par les fanaux mystérieux des feux follets, voilé le jour d’une éternelle brume et nimbé d’une auréole macabre de légendes, il avait, lui, Blénoir, au bord de la chaussée en remblai, consolidée de cailloux, qui menait au chef-lieu de canton, aperçu, le long d’une marnière, ce fusil qu’il avait aussitôt reconnu pour celui du Mousse.

Un doute terrible avait assailli l’esprit du facteur Blénoir. Il regarda le flingot, un Lefaucheux à deux coups, et constata, circonstance aggravante, que le coup de gauche avait été tiré.

Il avait hésité. Devait-il laisser là ce fusil et aller prévenir les autorités qui mèneraient l’enquête et procéderaient aux constatations d’usage ? Mais… sa tournée ?

Problème complexe où deux impératifs catégoriques se disputaient sa conscience honnête et droite.

Le facteur Blénoir avait réfléchi !…

Quelqu’un pouvait passer après lui et enlever cette arme. N’était-il pas agent assermenté ?