Page:Louis d Elmont Hallucinations amoureuses 1924.djvu/57

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« Eh bien ! Puisqu’il a pour vous un si grand amour, je m’incline… Gardez-le, je vous le laisse !…

Prosper cependant ne capitulait pas encore :

— Qu’allez-vous donc faire ? demanda-t-il à Juliette.

— Je retourne chez ma mère et puisque, malheureusement je suis mariée avec vous, je vais demander le divorce !…

— Mais je n’y consentirai pas.

— Naturellement. Vous préférez partager « votre tendresse » entre votre femme et votre maîtresse…

« C’est avec cette intention, n’est-ce pas, que vous m’aviez épousée, parce que vous ne pouviez pas me séduire autrement.

« Ah ! Vous avez de jolis mœurs, Monsieur le Directeur.

Prosper commençait à s’exaspérer :

— Vous oubliez, dit-il, que votre père dépend de moi.

— Oh ! Par exemple !… Vous oseriez abuser de votre situation pour me faire chanter… Tu l’entends, maman, tu l’entends, il veut se venger sur papa…

Mme Arnaud était bien un peu intimidée à présent. Depuis un moment, son indignation était tombée et déjà elle pensait à la haute situation de son gendre, redoutant les foudres du directeur pour son mari.

Ce fut d’un ton suppliant qu’elle dit :

— Monsieur Benoît, vous ne ferez pas ça !…

Léontine heureusement était là. Elle se rendit compte de l’avantage momentané de Prosper et se dit qu’il était temps pour elle d’intervenir à son tour.

— Non, Madame, il ne le fera pas… M. Benoît acceptera l’inévitable.

« Et mot aussi, je l’accepterai… quoique j’étais disposée, je vous le jure, à m’effacer…

« Je laisse votre gendre libre. S’il l’exige, je consentirai à ne plus le voir, j’en mourrai peut-être, mais je m’inclinerai,

— C’est un sacrifice que je n’accepte pas, dit Juliette.

« Non. Je sais à présent à quoi m’en tenir… Et puis, je ne pourrai plus jamais appartenir à cet homme. Vous serez toujours, que vous le vouliez où non, entre lui et moi.

« Monsieur, ajouta-t-elle en se tournant vers son mari, si vous êtes un galant homme, vous ne m’imposerez pas une vie commune qui, dorénavant me serait odieuse.

« Adieu. Ce sont maintenant les tribunaux qui prononceront entre vous et moi.

« Viens, maman… Nous sommes déjà trop longtemps restées ici. Viens… Laissons M. le Directeur à ses amours.

Et, très digne, Juliette sortit, toujours suivie par sa mère.

Celle-ci était toute tremblante, partagée entre des sentiments divers, qu’elle résuma ainsi :