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Certes, Jubié était dans son droit strict en formulant cette demande. Mais l’intérêt général ne saurait, dans les questions d’économie sociale, céder le pas à l’intérêt particulier. Le créateur de la nouvelle industrie l’apprit à ses dépens. M. de Fontanieu, l’intendant général de la province, consulté par l’intendant des finances à qui les requêtes de Jubié étaient parvenues, ne s’inspira que de l’intérêt du pays dans la réponse qu’il adressa à l’intendant, et, tout en rendant justice aux mérites exceptionnels du « requérant, » conclut ainsi :

« L’exemple du sieur Jubié a été utile ; d’autres ont eu le même succès que lui, sans avoir couru les mêmes risques, c’est certain. Néanmoins, le commerce des soies ne fait que naître en Dauphiné ; en donner le monopole exclusif à un seul, serait l’entraver. Mon avis est que, pour ce motif, la demande du sieur Jubié soit rejetée. »

On conviendra aisément que ce résultat n’était pas de nature à encourager Jubié dans la voie où il s’était engagé et où tant de gens marchaient avec lui. Mais, je l’ai dit, Jubié avait un caractère d’une trempe peu commune ; il comprit que le meilleur moyen de vaincre ses rivaux était de les surpasser. Aussi appliqua-t-il à ce but tous les ressorts d’une intelligence vive et sans cesse en éveil.

Ses deux fils, François et Henri, qu’il instruisit de ses projets, et qui étaient doués comme lui d’un rare génie industriel, continuèrent son œuvre et la complétèrent par l’invention d’un nouveau moulin à organsiner les soies, dont ils gardèrent le secret. Le Gouvernement qui n’avait pas pu et qui ne devait pas favoriser les projets de leur père dans le sens désiré