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rences, et, quand chacune d’elles s’était servie et avait consommé le contenu de la tasse portée à ses lèvres, un autre valet, circulant avec un plateau vide, débarrassait les collationneurs et collationneuses des verres et des tasses privés de leur contenu.

Ce spectacle, certainement, n’avait rien que de très-ordinaire. À quelques détails près, dans les soirées où il n’y a pas de buffet dressé, cela se passe toujours ainsi. Cependant, Mademoiselle Yolande ne pouvait s’empêcher de trouver que pour accomplir un acte aussi peu important ces messieurs, ces dames, et même ces valets, y mettaient beaucoup de solennité. Persuadée que c’était un usage adopté dans le pays d’apporter de la gravité, même dans les riens, elle ne s’étonna pas outre mesure, car ces gens-là, évidemment, n’étaient pas des gens de peu. Leur maintien, leur costume, leur air, disaient qu’ils appartenaient au meilleur monde, au vrai monde. Il y avait surtout un jeune personnage tout habillé de velours, tout frisé, tout musqué, avec des joues roses, des yeux bleus, des mains d’une délicatesse sans pareille, une tournure de gentilhomme enfin, qui devait être un baron, un comte, un prince, peut-être. C’était l’opinion de Mademoiselle Yolande.

Accoudé nonchalamment à la cheminée, dans une attitude que Mademoiselle Yolande trouvait adorable, regardant, sans paraître les voir, ces beautés qui faisaient cercle autour de lui, et semblaient attendre comme manne du ciel un mot tombé de sa bouche, il restait plongé dans une de ces rêveries intenses, pendant lesquelles l’esprit s’échappe du corps et erre soit dans le passé, soit dans l’avenir. La dame de ses pensées n’était pas là, bien certainement : il était