Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/118

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qui professe la doctrine du Christ, suivant laquelle nous sommes tous frères et qui ne reconnaît d’autre mérite à l’homme que de venir en aide à son prochain, au lieu de l’exploiter. « D’après toutes les données et d’après tout ce que je sais de ce qui se professe dans le monde, se dit le travailleur, je devrais être libre, aimé, égal à tous les autres hommes, et je suis esclave, humilié, haï. »

Et il hait, lui aussi, il cherche le moyen de sortir de sa situation, de se débarrasser de l’ennemi qui l’opprime et de l’opprimera son tour.

L’homme de la classe instruite souffre encore davantage des contradictions de sa vie sociale. Tout membre de cette classe, s’il croit en quelque chose, c’est sinon en la fraternité des hommes, du moins en un sentiment d’humanité, ou en la justice, ou en la science ; et il sait aussi que toute sa vie est établie sur des principes directement opposés à tout cela, à tous les principes de l’humanité, de la justice, de la science. Nous sommes tous frères, — et cependant je vis du traitement qui m’est alloué pour interroger, juger, condamner le voleur ou la prostituée dont l’existence résulte de toute l’organisation sociale de la vie et qu’on ne doit ni condamner ni punir. Nous sommes tous frères, — et je vis du traitement qui m’est alloué pour percevoir des impôts de travailleurs besogneux et les employer au bien-être des oisifs et des riches. Nous sommes tous frères, — et je reçois un traitement comme prêtre pour tromper les hommes dans la question la plus essentielle pour eux, et je reçois un traitement pour me préparer à l’assassinat ; j’apprends à assassiner,