Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/16

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« Après ma prière, nous raconte le jeune Tolstoï, je vais me rouler dans mes petites couvertures, l’âme en paix et le cœur léger. Les images se succèdent les unes aux autres dans ma tète. Elles sont insaisissables mais pleines de pur amour et de lumineuses espérances de bonheur. Je pense à Karl Ivanovitch, je me sens pris pour lui d’une telle tendresse que les larmes coulent de mes yeux. Je suis prêt à tout sacrifier pour lui. Je fais encore une petite prière où je demande à Dieu que tout le monde soit heureux et content et qu’il fasse beau demain pour la promenade ; les idées et les rêves se confondent et se mêlent et je m’endors doucement, paisiblement, le visage encore humide de larmes[1]. »

Il y a là quelque chose de plus que les faits d’une sensibilité enfantine : on y devine les germes d’une nature supérieure, dont la beauté d’âme atteindra plus tard la grande révélation de l’Idéal.

II

Après la mort de la comtesse Osten-Saksen, la tutrice des orphelins, cette tutelle fut transmise à Mme Jouschkova, leur tante, qui habitait avec son mari à Kazan et où vint habiter le jeune Léon Tolstoï. Mme Jouschkova était une grande dame qui recevait et fréquentait la société dite la meilleure de la ville. En Kazan, Tolstoï eut pour gouverneur et professeur un Français, nommé Saint-Thomas, présenté dans

  1. Enfance.