Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/81

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phie et cette méthode sont parfaitement conscientes et concertées[1]. » Le général Dragomirov[2], qui a étudié la Guerre et la Paix au point de vue militaire, constate que les scènes militaires y sont inimitables et peuvent constituer « l’un des appendices les plus utiles de n’importe quel cours d’art militaire ». « Aucun soldat, dit le général, ne lira ces pages sans se dire à lui-même : certainement c’est de notre régiment qu’il a tiré cela. À l’exception de cette phrase relative aux morceaux d’étoffe fixés à des bâtons, qu’on appelle drapeaux, tout, au point de vue militaire, est rendu dans ce roman avec une profonde vérité. »

Dans Anna Karénine, les germes des idées actuelles de Tolstoï s’expriment avec plus de relief que dans la Guerre et la Paix, Quelle profondeur de pensée chez Lévine, chez Wronsky ! Qu’elles sont belles les lignes où Alexis Karénine, cet homme froid, méthodique, possedant sa morale à lui, une morale de glace, cesse un instant d’être lui-même et trouve au fond de son âme un pardon d’une vraie grandeur humaine ! Et la lutte intérieure d’Anna Karénine, où la passion, les sentiments les plus divers, la pureté du cœur et les restes de vieux préjugés sont en contradiction ! Et ses sursauts, et ses rechutes, et sa mort sous les roues d’un train ? Qu’il est vrai, ce type de femme dont le cœur brûle d’une flamme d’amour et dont la raison est hantée par le spectre des « devoirs » !

  1. Albert Sorel. Tolstoï historien. Revue bleue, t. XV, 1888, p. 461.
  2. Étude de la Guerre et la Paix, Kiev, 1895.