Aller au contenu

Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les idées les plus abstraites se transforment chez Tolstoï en images : c’est le style qui anime et donne la vie à tout ce qu’il touche. Un style, tantôt naïf, tantôt subtil, toujours simple, spontané, rien de cherché, de forcé, d’excessif, mais une simplicité naturelle et surtout, on y trouve la vie, la vie intense, la vie ardente, la vie partout, la vie toujours. La précision, la clarté, la souplesse, l’harmonie, et là où il le faut, la grandeur, sont les caractères de sa langue, belle, pure, limpide. Aucune traduction ne peut en donner une idée même plus ou moins exacte. Et partout, dans ses romans, ce sentiment du beau, et partout ce sourire, — qui manque dans ses œuvres abstraites, — ce sourire qui vous donne un frisson de mysticisme, d’ardente aspiration vers la Beauté, l’Idéal, l’inaccessible Absolu. Le tout comme baigné dans un nuage léger de mélancolie, mais une mélancolie spéciale, qui n’a rien de dissolvant, et qui étonne par sa résistance et sa foi persévérante. C’est l’un des romanciers les plus foncièrement humains qui furent jamais, et dont la puissance d’aimer s’étend à tout ce qui souffre, on sent les palpitations d’un cœur magnanime qui ne bat que pour la vérité et le bien.

« Si les livres les plus intéressants sont ceux qui traduisent fidèlement l’existence d’une fraction de l’humanité à un moment donné de l’histoire, notre siècle n’a rien produit de plus intéressant que l’œuvre de Tolstoï. Il n’a rien produit de plus remarquable dans le rapport des qualités littéraires. Je n’hésite pas à dire toute ma pensée, à dire que cet écrivain, quand il veut bien n’être que romancier,