Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/86

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fait qu’observer la vie des autres individus, et ce n’est que par ses observations personnelles qu’il arrive à la connaissance de leur existence. La vie des êtres qui l’entourent ne lui semble qu’une des conditions de son existence.

Or, pour l’individualité, le bonheur ne peut exister. Et, quand même il y aurait dans la vie quelque chose qui y ressemble, la vie de l’individualité est elle-même entraînée à chaque mouvement, vers les souffrances, les maux, la mort. La vie de l’homme, en tant qu’individualité, n’aspirant qu’à son propre bien, parmi le nombre infini des individualités semblables, se détruisant elles-mêmes, cette vie est un mal et un non-sens, et la vraie vie ne peut être telle. Dès l’époque la plus reculée et chez les peuples les plus divers, les grands esprits ont révélé aux hommes des définitions de la vie, mais aucune de ces définitions ne résout la contradiction qui existe entre l’aspiration de l’homme vers son bien personnel et la conscience qu’il a de l’impossibilité de celui-ci ; d’où vient la fausse direction, selon laquelle a vécu et s’est formé l’humanité, et selon laquelle elle vit et se forme encore.

Ces doctrines cachent si soigneusement les vraies définitions de la vie, que bien peu parviennent à les voir. À la question : « Pourquoi cette vie misérable ? » on répond : « La vie est misérable, elle Ta toujours été et doit l’être toujours. Le bien de la vie n’est pas dans son présent, mais dans son passé, avant elle, et dans son futur, après elle. Tout ce que l’homme peut faire pour acquérir le bien, non dans cette vie, mais dans la vie future, c’est de croire aux doctrines