Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/88

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notre individualité est malheureuse et absurde, il en est de même de toute autre individualité humaine ; par conséquent, la réunion d’un nombre infini d’individualités absurdes et déraisonnables ne pourra jamais former une seule vie heureuse et raisonnable. Vivre isolément sans savoir pourquoi, en faisant ce que les autres font ?

Hais les antres ne savent pas eux-mêmes pourquoi ils font ce qu’ils font.

Le temps arrive où la conscience réfléchie commence à prendre le dessus sur les fausses doctrines, et l’homme s’arrête au milieu de la vie en demandant des explications. Le temps arrive où les hommes s’éveillent de plus en plus fréquemment à la voix de la conscience réfléchie. « Toute ma vie est la recherche de mon propre bien, se dit l’homme à son réveil, or ma raison me dit que ce bien ne peut exister pour moi et que, quoi que je fasse, tout finira par les souffrances, la mort, la destruction. Je veux le bien, je veux la vie et je ne trouve an dedans de moi et dans tout ce qui m’entoure que le mal, la mort, le non-sens. Que devenir ? Comment vivre ? Que faire ? »

Mais la vraie vie est toujours renfermée dans l’homme comme dans le grain ; il arrive un temps où elle se manifeste.

La manifestation de la vie consiste en ce que l’individualité animale pousse l’homme à la recherche de son bien, tandis que la conscience réfléchie lui fait sentir l’impossibilité d’acquérir le bien individuel et lui en indique un autre. La manifestation de la vie consiste dans le rapport nouveau qui s’établit en lui