L’homme est le propre artisan de sa vraie vie, et c’est lui-même qui doit la vivre.
L’homme sent que la vie qui est en lui est une aspiration à un bien qu’il ne peut acquérir qu’en soumettant son individualité animale à la loi de la raison. L’homme ne connaît et ne peut connaître d’autre vie humaine. Les forces du temps et de l’espace sont déterminées, bornées, incompatibles avec l’idée de la vie ; mais la force de l’aspiration au bien est une force ascendante : c’est la force même de la vie, pour laquelle il n’y a de limites ni dans le temps ni dans l’espace. Il semble, par moments, à l’homme que sa vie s’arrête et se dédouble, mais ces arrêts et ces hésitations ne sont qu’une erreur de la conscience, semblable à l’erreur des sens. La vraie vie ne peut éprouver ni arrêt, ni hésitation ; nous sommes dupes de notre fausse idée de la vie.
L’homme commence à vivre de la vraie vie, c’est-à-dire à s’élever à une certaine hauteur au-dessus de la vie animale, et de cette hauteur il aperçoit le fantôme de son existence animale, qui se termine inévitablement par la mort ; il voit que son existence, à la surface, est limitée de tous côtés par des abîmes, mais ne reconnaissant point que ce mouvement ascendant est la vie même, il est effrayé de ce qu’il a aperçu d’en haut. Au lieu de reconnaître pour sa vie cette force qui l’élève et de suivre la route qui s’est ouverte devant lui, il est effrayé de ce qu’il a découvert de cette hauteur. Il veut redescendre de cette hauteur. Et la force de la conscience réfléchie l’élève toujours jusqu’à ce qu’il reconnaisse que le mouvement perpétuel, c’est-à-dire son existence dans