Page:Loviot - Les pirates chinois, 1860.djvu/22

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s’imaginant qu’un jour ou l’autre ils peuvent tomber sous la dent d’un de ces monstres.

S’il est une jouissance inconnue aux gens de loisirs, dont la seule ambition est de les connaître toutes, sans sortir des habitudes où s’écoule leur vie nonchalante s’il est une félicité qu’ignorent ces sybarites des grandes villes, ces chercheurs d’or dans les placers du bonheur, qui veulent épuiser les joies de ce monde sans risquer leur existence, c’est cette joie immense, ineffable, qui emplit le cœur, lorsqu’on touche au terme d’un long voyage. Il faut avoir passé six mois de sa vie entre le ciel et l’eau, en butte aux tempêtes, aux naufrages, aux incendies, pour comprendre le délire qui s’empare de tous, quand un matelot, monté dans les vergues, d’où il contemple l’horizon, prononce ces mots magiques « Terre ! terre ! » Tout le monde se précipite sur le pont, les hommes relèvent la tête avec orgueil, leur physionomie semble dire « Malgré la distance et les dangers, rien n’a pu m’empêcher d’atteindre mon but. » Les femmes pleurent, car, chez elles, toute émotion de joie ou de peine se traduit ainsi. À la vue de San--