Page:Loviot - Les pirates chinois, 1860.djvu/17

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aux tempêtes inévitables du cap Horn. » Ma sœur m’engageait à ne pas continuer notre voyage mais je ne cédai point à ses craintes, que cependant je partageais intérieurement. Indépendamment du désir de faire fortune, je ne sais quel démon me poussait, malgré mon amour de la patrie, à m’en éloigner davantage et rechercher des dangers tout en les craignant, j’étais fière d’avoir passé la ligne et je ne voulais pas rester en si beau chemin. Notre goëlette ne m’inspirait pas beaucoup de confiance mais il eût fallu payer un autre passage, et nous avions déjà dépensé beaucoup pour notre pacotille.

Nous passâmes plusieurs semaines avec le plus beau temps du monde. Nous étions cinq femmes à bord, nous causions, nous brodions, nous jouions au loto comme dans notre chambre. Le soir, nous nous réunissions tous sur le pont, et l’on chantait, quelquefois faux, il est vrai, mais en mer on n’est pas difficile puis, d’ailleurs, c’étaient souvent des chœurs, des airs français, et loin d’elle, tout ce qui rappelle la patrie est bien venu.

Une seule chose passablement essentielle venait parfois assombrir nos chants. C’était notre nourri-