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LA PHARSALE.


ceptez-vous l’offrande de cette tête, en expiation de tous les crimes ! Dévoué à la mort, Décius fut écrasé par les bataillons ennemis : que les deux armées me prennent pour Lui (le leurs traits ; que les barbares tribus du Hliin épuisent sur moi leurs flèches : seul, découvert à tous les coups, au milieu du champ de la bataille, je recevrai toutes les blessures de la guerre, heureux que mon sang soit la rançon des peuples, que mon trépas suffise pour acquitter le crime des mœurs romaines. Et pourquoi périraient ces esclaves volontaires, qui veulent subir une loyauté coupable ? C’est moi seul qu’il faut frapper, moi, l’inutile défenseur des lois et des droits méconnus : voici, voici ma tête qui donnera la paix et le repos aux nations de l’Hespérie. Après moi, qui voudra régner n’aura pas besoin de guciie. Allons, suivons les drapeaux de Rome et la voix de Pompée. Si la Fortune le favorise, rien n’annonce encore qu’il se promette l’asservissement du monde. Qu’il triomphe donc avec Galon pour soldat : il ne pourra pas croire qu’il a vaincu pour lui.

Il dit : ses paroles irritent la fureur du jeune Brutus et allument en lui la dévorante passion des guerres civiles.

Cependant Phébus chassait les froides ténèbres, quand la porte retentit sous des coups redoublés. C’est la pieuse Marcia (2) qui s’élance. Elle a quitté, pleine de larmes, le tombeau d’Hortensius. Vierge, elle l’ut jadis unie à un plus noble époux. Mais bientôt, lorsqu’un triple gage de l’hymen en fut le fruit de la récompense, Caton a livré à son ami celle fécondité qui doit peupler des pénates nouveaux et unir deux familles par le sang d’une seule mère. À peine l’urne funèbre a-t-elle reçu les cendres d’Hortensius, qu’elle arrive le visage pâle de douleur, les cheveux en désordre, le sein meurtri de coups, la tête couverte de poussière, seule parure digne de Caton, et sa voix triste laisse échapper ces mots : — tant que mon âge et mes forces m’ont permis d’être mère, j’ai suivi les ordres, Caton ; j’ai reçu deux époux sur mon sein fécondé. Aujourd’hui les entrailles fatiguées, usées par l’enfantement, je le reviens : mais je ne veux plus être cédée. r>ends-moi le partage de la couche, pure désormais : ronds-moi le nom, le seul nom d’épouse : qu’on puisse inscrire sur ma tombe : Marcia, femme de Caton ; s et que l’avenir lointain ne se demande pas si, !> rallumant d’autres flambeaux, j’étais cédée ou bannie. Je ne viens pas m’associer au bonheur et à la prospérité ; je viens partager les travaux et les peines. Permets que je le suive au camp. Pourquoi me laisserais-tu dans le s calme de la paix ? Pourquoi Cornélie verrait-elle la guerre civile de plus près que moi ?

Ces paroles fléchirent Caton, et, bien que le temps soit peu propice aux fêtes nuptiales quand les destins appellent aux combats, cependant une simple union, un serment juré