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LA PHARSALE.

de la guerre, et le Cilicien, autrefois pirate, n’est plus armé pour le crime. Au bruit des armes, tout l’Orient s’émeut, jusqu’à ces régions lointaines où l’on adore le Gange, qui, seul parmi tous les fleuves, ose opposer ses bouches au berceau du soleil et lutter contre le souffle de l’Eurus : c’est là que le héros de Pella[1], après avoir traversé l’empire de Téthys, s’arrêta, se déclarant vaincu par la grandeur du monde. Cet autre fleuve, qui précipite dans la mer son double torrent, sans avoir senti que l’Hydaspe est entré dans son vaste lit, l’Indus, ne voit plus sur ses rives les peuples qui boivent la douce liqueur de ses tendres roseaux, ni ceux qui teignent leur chevelure dans le jaune safran, et sèment de pierreries colorées la ceinture de leurs robes flottantes ; ni ceux qui dressent eux-mêmes leur bûcher et s’élancent vivants au milieu des flammes. Quelle gloire pour eux de forcer le destin, et, rassasiés de la vie, d’abandonner aux dieux ce qui leur reste de jours ! Viennent les farouches Cappadociens, et les nouveaux hôtes du sauvage Amanus, et l’Arménien répandu sur les bords du Kiphate qui roule des rochers. Le Coastre[2] fuit ses forêts qui touchent au ciel. Vous passez dans un monde inconnu, Arabes étonnés de ne plus voir l’ombre des bois se dessiner à gauche. La fureur romaine agite les Horètes[3] lointaines et les chefs Carmanes[4], dont l’horizon incliné vers l’Auster ne voit pas l’Ourse se plonger tout entier dans les flots ; le Bouvier rapide n’y brille qu’un instant dans la nuit. Elle agite la terre d’Éthiopie, dont le ciel serait vide de toute planète, si, pliant le jarret, le Taureau agenouillé n’y faisait briller l’extrémité de son talon. Elle agite ces contrées où le puissant Euphrate lève la tête auprès du Tigre impétueux : d’une même source la Perse épanche ces deux fleuves ; et s’ils venaient à se confondre, on ne saurait quel nom conserver à leurs eaux. Mais, comme le Nil dans les plaines du Phare, l’Euphrate féconde les champs où se promènent ses vagues ; tandis que, s’abîmant tout à coup sous la terre qui l’engloutit, le Tigre poursuit sa course ténébreuse, puis, s’ouvrant une nouvelle source, ne refuse pas à la mer le tribut de ses ondes.

Entre l’armée de César et les enseignes contraires, le Parthe belliqueux ne choisit pas son parti : il lui suffit d’avoir fait deux rivaux. Mais ils préparent leurs flèches empoisonnées, ces nomades de la Scythie, qu’enferment le gouffre glacé du Bactre et les vastes forêts de l’Hyrcanie. Avec eux, l’Hénioque[5], venu de Lacédémone, terrible sur son docile coursier, et le Sarmate, voisin du Mosque farouche, et l’habitant de la Colchide où le Phase roule ses sables d’or. On prend les armes sur les bords de l’Halys, fatal à Crésus, là où, tombant des monts Riphées, le Tanaïs donne à ses deux rives le nom de

  1. Alexandre.
  2. Peuple des Palus-Méotides.
  3. Peuple de l’Inde.
  4. Entre la Perse et l’Inde.
  5. Peuple du Caucase.