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LA MARE AUX FÉES.

de la double mare ne peuvent atteindre par leurs irrigations, les terrains se couvrent à peine d’une végétation avare : gazon ras et clair-semé, où la cigale ne peut se cacher à l’oiseau qui la poursuit ; pâles lichens couleur de soufre, qui semblent être une maladie du sol plutôt qu’une production ; créations éphémères d’une flore appauvrie ; plantes maladives sans grâce et sans couleur, dont la racine est déjà morte quand la fleur commence à s’ouvrir, qui redoutent à la fois le soleil et la pluie, qu’une seule goutte d’eau noie, qu’un seul rayon dessèche. Au bord de la grande mare, deux énormes buissons, surnommés les Buissons-aux-Vipères, enchevêtrent et hérissent leurs broussailles hargneuses, mêlant aux dards envenimés dos orties velues l’épine de l’églantier sauvage et les ardillons de la ronce grimpante, qui va tendre sournoisement parmi les pierres les lacets de ses lianes dangereuses aux pieds nus. Terrains lépreux ou fondrières, eaux croupissantes, arbustes agités incessamment par des hôtes venimeux, — tel est l’aspect de la mare qui donne son nom à l’endroit ; mais cette aridité et cette désolation prêtent encore un relief puissant aux splendeurs du cadre qui les environne. Qu’une vache se détache du troupeau et vienne boire à cette eau croupie ; qu’une paysanne s’agenouille au bord pour laver son linge ou plutôt pour le salir ; qu’un bûcheron vienne aiguiser sa cognée sur le roc, et ce seront autant de tableaux tout faits que le peintre n’aura qu’à copier. Aussi la mare