Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/114

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doute impressionné par les immenses verdures, les chants des oiseaux et les fraîcheurs rafraîchissantes qui lui feront oublier sur l’instant l’atmosphère morbide des grandes villes ; mais, le premier moment passé, l’esprit satirique reprendra son vol vers les sujets familiers qui ont pincé ses lèvres de bonne heure — et là où vous le croirez s’enthousiasmer sur un site pittoresque, il sera occupé à creuser des souvenirs qui n’auront rapport ni aux arbres, ni aux plantes, ni à la verdure.

L’an passé, en Suisse, en face des montagnes neigeuses, je me surpris à songer au défilé du boulevard des Italiens entre quatre et cinq heures du soir ; c’était une procession de jeunes élégants, la canne à la main, le lorgnon à l’œil, la figure verte, la cravate bleu-ciel, un petit filet de moustaches retroussées impertinemment, qui allait et venait et paralysait la vue dela nature alpestre. Je sentais cette singulière maladie, je me révoltais contre moi-même. Vains efforts ! mes yeux étaient incapables de regarder autre chose que ces jeunes élégants ridicules qui paradent devant les bourgeois à la porte de Tortoni.

La nature a un langage mystérieux qui ne s’apprend pas à la première leçon : ceux qui ont été élevés de bonne heure à la campagne, qui n’ont jamais quitté les champs, étudient ce langage en suçant le lait de leur nourrice ; mais l’habitant des villes se sent petit, rapetissé et ignorant au milieu des solitudes des forêts ; il lui faut dépouiller son bavardage et sa jactance, il a bien