Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne les connaissait. On disait derrière moi : « Ce sont des musiciens de la ligne. » Je me retournai pour voir qui disait cela : c’était une feuille de lierre ou personne. Le chef d’orchestre, qui était tout en feu et ne prenait garde qu’à sa partition, cria :

— Musiciens, à vos places ! Êtes-vous là, monsieur B…. ?

Le jeune artiste s’avança pour chanter l’invocation ; il était pâle comme un démon incarné.

— Ne chantez pas, lui dis-je, cela vous fera mal.

— Impossible, me répondit-il, je suis sous l’obsession de l’art ; il faut en finir avec Meyerbeer, il faut voir clair dans ses notes.

— Ce sera une terrible nuit, n’est-ce pas ?

— Terrible ! Ayez-vous bien compris l’ouverture de Weber ?

— Très-bien.

— Demain, au jour, nous saurons la musique.

— Oui, ce lieu est le Conservatoire du démon.

Ce chaleureux jeune homme, artiste tout âme et conviction, appuya fortement ses pieds sur le sol humide de la caverne, et dit au chef d’orchestre :

— Je suis prêt..

Je crus que la montagne entière s’était faite trombone ou qu’elle s’écroulait. B, avec sa magnifique voix, dit : « Nonnes ! qui reposez » et resta

court. Le chef d’orchestre s’écria, tourné vers les six trombones :