Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/152

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aimer une seule personne ? Alceste est vraiment trop bon : il passe sa vie à lutter contre la ruse et le mensonge ; il s’oublie, et il oublie tout, devant la beauté ; il ne songe qu’à triompher de l’esprit à force de cœur ; il se met en colère contre le sonnet à Philis ; il s’amuse à gronder, à sermonner, à maudire une pécheresse incorrigible ; au lieu de vivre, il a aimé ! Il faut peutêtre lui pardonner : il s’agite, mais c’est un dieu caché qui le mène, — un dieu qui a deux petites ailes empoisonnées. Décidément, il faut ressembler à Philinte, un homme poli, froid, dur et brillant comme le marbre. »

Dans les petits commentaires dont il s’agit, le misanthrope de la rue de Ferrare paraît beaucoup se préoccuper de la fin probable de Célimène ; il se demande souvent comment a pu finir la coquetterie de cette femme, et il se répond à lui-même dans ces mots qu’il a écrits sur le dernier feuillet de la comédie : « Célimène a fini par épouser cet horrible Philinte, après la mort d’Éliante. »

La Célimène de ce pauvre philosophe, de ce commentateur sentimental, était mademoiselle Thévenin, et il adorait sa Célimène ! Oh ! gouffre du cœur humain, qui n’est peut-être qu’un ruisseau !

Chose étrange, — mademoiselle Thévenin, aux premiers jours, aux premiers soirs de la vieillesse, se réjugia précisément dans un hôtel de la rue de Ferrare, tout près de ces mystérieuses masures habitées par un