Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/254

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grandeur de l’infortune, ne leur apparaît qu’en habit de cérémonie. La simple vérité a horreur de ces poses académiques. Cette scène tragique, qui s’est passée certainement en plein soleil, ainsi interprétée par le crayon, m’a toujours fait l’effet de n’être éclairée que par un jour d’atelier. L’air y manque autant que la vie. J’étais venu pour pleurer sur César, et je ne me sens de grosses larmes que pour ces phalanges d’héroïques roublards, qui ont corrigé autant que possible, dans leur tenue, les désastres de Moscou. Le grand capitaine va leur manquer ; c’est là ce qui cause leur douleur. Il se suffira à lui-même dans la contemplation de son propre destin, ce sera sa consolation ; mais eux, ils resteront inconsolables. Les Plutarque ne lui manqueront pas, tandis que personne ne se souciera de ces héros anonymes, qui s’en iront dans quelque coin ruminer obscurément leurs souvenirs. Quelque artiste en débine les enterrera collectivement dans la personnification du Soldat laboureur, et ce sera tout.

Vous aurait-on oubliés à ce poiat, ô mes vieux compagnons, vous, les aînés de la France ?… Ce n’est pas possible ! A l’heure où tout était absorbé par la gloire d’un seul, dans cette cour du château de Fontainebleau, il a dû y avoir, au milieu de vos rangs décimés, quelque chien de régiment qui avait suivi son maître au Kremlin, et qui ne pensait qu’à son maître en le regardant avec des yeux brillants. Il a été oublié, lui aussi, dans la lithographie des Adieux. C’est une injustice