Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/310

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qui a fait du miel pour tous. Cette route se promenait çà et là, comme un homme qui n’est pas pressé ; elle se prélassait sous la voûte majestueuse des chênes, flânait entre les gazons, allait d’un village à l’autre, tantôt s’élargissant, tantôt se rétrécissant, déchirée par de profondes ornières, incurables blessures que l’art du cantonnier ne savait pas encore cicatriser ; quelquefois elle se séparait en deux branches, comme un fleuve, qui allaient se rejoindre à quelque distance de là, après avoir formé de frais îlots de verdure. C’était une route, enfin, qu’on perdait et qu’on retrouvait dix fois avant d’arriver à son gîte.

Or cette forêt avait un mauvais renom ; plusieurs voyageurs qui se rendaient à Noisy, avaient disparu, et l’on n’avait pas même retrouvé leurs traces. La rumeur publique accusait de ces meurtres la famille Dinot, qui avait établi ses sinistres pénates au milieu de la forêt. Au fait, c’était une terrible famille que la famille Dinot, le père et quatre fils. Les quatre fils, pareils à des statues d’athlètes dans un bloc de chair humaine, parcouraient la forêt du matin au soir ; inséparables de leurs fusib ? comme un prêtre l’est de son. bréviaire ; d’une adresse sans rivale, dans un pays où le braconnage était une profession, et dont la balle eût défié la flèche de Tell ; du reste, tout à fait étrangers à ce commandement de Moïse : « Homicide point « ne seras ; » considérant tout être errant comme un gibier donné par le Créateur au chasseur assez adroit