Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/317

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des couteaux de toutes les grandeurs et de toutes les formes, les uns courts, râblés, aiguisés sur les quatre faces, pour aller, d’une seule blessure, au fond des plus robustes poitrines ; les autres minces, larges et ventrus, tranchants comme des rasoirs, nobles castillans venus de Tolède, qui, d’un seul coup, faisaient tomber des entrailles sur la poussière : quelques uns fluets, maigres, tout en pointe, semblables au dard d’un aspic, qui passaient à travers les chairs comme une aiguille à travers la toile. Il y avait aussi des sacs de poudre, des sébiles, les unes pleines de balles, les autres de pierres à fusil tout enchâssées dans leurs plombs.

« Le père Dinot prit un des couteaux espagnols dont je viens de parler, et se mit à l’aiguiser, sans dire un mot, sur une pierre grise. Mes jambes fléchissaient sous moi, et je m’assis machinalement devant la terrible armoire. Une vapeur, à travers laquelle mes regards semblaient vaciller, était étendue sur mes yeux. J’avais comme le tintement d’un glas dans les oreilles ; tantôt un souffle glacé me passait à travers les os ; tantôt des bouffées de chaleur et une sueur tiède me prenait au visage. Je voulus prier, mais je ne pus trouver aucune parole d’aspiration vers Dieu. Mes idées étaient comme collées aux parois de mon cerveau, et il me sembla que je faisais effort pour les en détacher. Je voyais confusément les armes dont l’armoire était garnie, et Dinot, impassible comme une guillotine qui