Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/46

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Puis, quand se reposait celle qui fut mon âme,
Lorsque tes horizons brûlent, que, vers midi,
Le serpent taché d’or se réveille engourdi,
Je contemplais, effroi d’une âme sérieuse,
Cette heure du soleil, blanche et mystérieuse !

N’est-ce pas, n’est-ce pas que vous étiez vivant,
Noir feuillage, immobile et triste sous le vent
Comme une mer qu’un Dieu rend docile à ses chaînes ?
Et vous, colosses fiers, arbres noueux, grands chênes,
Rien n’agitait vos fronts par le temps centuplés !
Pourtant vos bras tordus et vos muscles gonflés,
Ces poses de lutteurs affamés de carnage
Que vous conserviez, même à cette heure, où tout nage
Dans la vive lumière et l’atmosphère en feu,
Laissaient voir qu’autrefois, sous ce ciel vaste et bleu,
Vous aviez dû combattre, ô géants centenaires !
Au milieu des Titans vaincus par les tonnerres.
Et vous, rochers sans fin, suspendus et croulants,
Sur qui l’oiseau sautille, et qui, depuis mille ans,
Gardez avec douceur vos effroyables poses,
La mousse et le lichen et les bruyères roses
Ont beau vivre sur vous comme un jardin en fleur,
Ne devine-t-on pas avec quelle douleur