Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/96

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possible de se poser impunément sur cette coupe déjà pleine de pensées.

Il m’est donc rarement arrivé de perdre mon temps à remettre au sas tant de vieilles idées si bien épurées déjà, si bien dites, et qu’on gâterait en les voulant nettoyer au goût du jour.

Dans les longues promenades à travers les bois j’ai plus joui que pensé, plus senti qu’analysé, hormis sur un point pourtant, sur un point fort sérieux, qui m’a toujours beaucoup intéressé et qui n’est peut-être pas indigne de l’attention d’un esprit spéculatif. Je veux parler de cet étrange et complexe sentiment qui domine l’homme dans la solitude, toutes les fois que son imagination n’est pas absorbée par quelque sujet particulier. Il n’est personne, je crois, qui n’ait éprouvé, en pénétrant sous les sombres arcades d’une forêt, un mélange de charme et d’horreur. Un sentiment analogue se passe en nous toutes les fois que nous nous isolons soit sur l’eau, soit en gravissant une montagne. La solitude, les bois, ne sont jamais complètement gais ; les plus jolis rayons de soleil dans les feuilles n’empêchent pas que l’ombre verte tombe comme une mélancolie du dôme des grands arbres. Les poètes riment dans les chemins déserts, les peintres peignent les roches et les halliers de Fontainebleau, des familles bourgeoises vont boire, manger et se réjouir sur l’herbe ; on y voit des chasses royales à grand son de trompe et d’aboiements de meute ; on y voit aussi