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« La parole, c’est l’affaire des femmes, depuis qu’elles sont moins bavardes ».

Aurel est malicieuse. Cela ne l’empêche pas d’être sentimentale, je veux dire pleine de doux sentiments.

Du reste elle a prouvé cette sentimentalité par le livre si beau les Saisons de la Mort, qu’elle a écrit sur sa mère, et qui m’est particulièrement cher. En voici un fragment :

Mère, je vois passer des femmes de ton âge. Toi morte, elles vivent, ô injure ! elles vivent avec l’homme, et sans avoir ta grâce. Elles ont gardé, cette aise suprême : leurs maris. Ils font prévaloir les décisions, les désirs de l’épouse. Ils lui épargnent ces légions de conseils qui pleuvent sur la femme seule.

Pourquoi n’avais-tu pas repris de mari ? Il nous eût enseigné à temps le prix de tes paroles. Pourquoi as-tu osé faiblir, sans compagnon, toi si vive, qui aurais tant mérité l’homme ?

Pourquoi si tôt l’éloignas-tu d’un geste net !

Fut-ce pour que nulle attitude de ta jeunesse ne s’attardât, pour te renouveler toujours ? Fut-ce pour naître plus vive, à la vie, du second âge que, si tôt, tu laissas l’amour t’attendre en vain ? Désiras-tu entrer libre de l’âge précédent dans la jeunesse de chaque âge avec seulement tes filles comme couronne ?