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Aïn Sefra

accès de paludisme. Il se coucha, dans sa petite chambre, sur son petit lit de camp. La pièce contiguë était la salle à manger où, tard dans la nuit, j’écrivais mes poèmes, entourée du silence de la maisonnée endormie, et de celui, mortel, énorme, du désert nocturne à l’infini.

Cette nuit-là, toutes les dix minutes à peu près :

— Madame Delarue-Mardrus, vous êtes toujours là ?

— Mais oui, général !

Il se rendormait peut-être. Les dix minutes passées :

— Madame Delarue-Mardrus, vous êtes toujours là ?

À la fin il ajouta :

— Quand vous aurez fini votre poème, vous viendrez me le lire et bavarder un peu avec moi.

— Entendu, général !

Devant sa mauvaise mine, quand je fus près de son lit :

— Ce qu’il vous faudrait ce serait un petit tour en France, dans la verdure et sous un ciel gris.

Comment oublier son exclamation de scandale ?

— La verdure ?… Quelle horreur ! Maintenant, quand j’y suis par hasard, ça me fait l’effet de vivre dans une grande moisissure.

L’intoxication du désert devenue incurable…


Un soir il nous lut des lettres de lui destinées plus tard à la publication. Elles étaient d’un excellent et subtil écrivain, pleines de toutes les roueries du métier, œuvre parallèle à celle de sa pacification du Maroc et qui, je l’ai dit, en explique en partie la magnifique réussite.