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El Arab

brillait à travers les étoffes blanches, nous tournaient brusquement le dos, la face contre le mur. Leurs longues loques pâles leur faisaient des traînes dans la poussière. Et, longtemps après que nous étions passés, je pouvais de loin les voir, en me retournant sur mon cheval, garder, immobiles, leur attitude ennemie. Enfin, aux abord de la mosquée principale, un subit rassemblement d’hommes se forma sur la place, tous parlant à voix basse, avec des regards qui ne pouvaient tromper sur leurs sentiments et peut-être leurs intentions à notre égard.

— Il vaut mieux ne pas approcher plus près… dit simplement un des officiers.


Dans les villages, toujours ces maisons en argile séchée au soleil. Bien irrigués étaient les jardins. Des arbres fruitiers dépassaient en désordre les murs fauves que nous longions. Paix et prospérité. Mais, de temps à autres, une tour crénelée, faite aussi de terre cuite, s’élevait, médiévale et méfiante. Jour et nuit se tenait dedans un guetteur. Son rôle, pendant des âges, avait été d’observer l’horizon d’où peut surgir quelque horde en quête de razzia, tentée par la richesse des eaux, des vergers et des moissons. À présent il guettait peut-être pire…

Je ne sais plus comment J. C. Mardrus et moi nous trouvâmes isolés tous deux sur cette hauteur d’où l’on découvrait tant d’espace. Je n’avais jamais vu, ne revis jamais pareille oasis, véritable, épaisse forêt de dattier de toutes tailles. Un collier de montagnes l’entourait, et le mot collier est celui qu’il faut pour dépeindre de telles pierreries géantes. Ces montagnes, une bleue, une rose, une mauve, une verte, une d’or, formaient un cercle magique, nuances et contours de féerie.

Nous restâmes longtemps silencieux devant cela. Rien d’humain ne venait gâter notre admiration. Malgré la ville et les villages, pas un bruit, pas une fumée. La paix dans les palmes.