L’Orient que j’ai connu
Mon programme
Même longue, une vie humaine ne représente pas d’ordinaire le temps exigé pour sensiblement transformer (coutumes et costumes) les séculaires traditions d’un peuple.
Or, à partir de 1914, l’angle aigu du virage vertigineusement pris sur trois roues par notre époque ne permet plus ces modifications lentes autrefois prévues par l’ordre de la nature. Nous sommes en train, dans tous les domaines, de brûler, comme on dit, les étapes. Et c’est pourquoi, l’Orient que j’ai connu dans ma jeunesse étant à deux doigts de ne plus exister, je vais, dans ce livre, me plaire à l’évoquer, autant pour moi-même que pour ceux dont il alimentait les rêves.
Il n’est que temps !
Déjà Myriam Harry se voit, non sans soupirer, contrainte d’entacher de visions fâcheuses ses voyages de conte bleu, d’appeler la Perse par un nouveau nom, d’arracher dans ses écrits le turban et la robe de vivantes miniatures dorées pour y substituer le képi noir à visière et l’affreuse défroque ordonnés par un schah dernier cri, tandis que la casbah d’Alger, sous la plume cruelle de Lucienne Favre, fait grouiller devant nos yeux, image de bien d’autres mixtures, les derniers vestiges d’un Islam irrévocablement adultéré par l’intrusion européenne.
Amoureux des prodigieuses Mille Nuits et une Nuit du docteur J. C. Mardrus, l’Occident des poètes, désolé devant l’irréparable, ne se console pas que tant d’atten-