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Le Caire

francisée, elle retourna, muette, se rasseoir dans son coin.

Dans mon arabe lent qui tâtonnait encore je pouvais maintenant parler avec Ouassîla, pourvu qu’il ne fût question que de choses très simples. Elle en était bien étonnée.

Dès qu’elle m’entendit prononcer le nom de Bamba, ses yeux si blancs et si noirs étincelèrent. « Deux tigresses ! » pensai-je alors. Et Allah sait que je ne me trompais pas !

Cependant Nazli parlait déjà politique. Puis vint une de ses histoires de jadis.

— Je vous dis la vérité ! Oualûatt ennebi ! Un jour j’étais à Paris avec Ouassîla. Nous nous promenions en voiture. Dear me ! Ouassîla trouve que notre arbagui ne conduit pas assez vite. Elle lui crie : « Yallah, cochon, yallah ! (au lieu de cocher, vous comprenez ?) Malheureuse !… je dis. What bave you done ? Nous sommes dans la montagne, il va nous assassiner !

— Dans la montagne ?… murmurai-je, rêveuse.

Une voix timide, prudente, parla dans le coin du fond.

— Ce devait être Saint-Cloud… expliquait la sœur entre haut et bas.


… Dès le lendemain nous étions emmenés d’autorité par notre vieille amie vers une fête que plusieurs détails ont gravée dans ma mémoire.

Sans doute étions-nous chez des notoriétés religieuses. À ce dîner d’hommes, rien que des turbans.

Pourquoi ne faisais-je pas plutôt partie du repas des dames ? Même Nazli ne figurait pas à la table où j’avais pris place avec mon mari, seule de mon espèce au milieu de tant de saïeds austères.

Le maître de la maison et ses fils, au lieu d’être assis parmi nous, se tenaient debout derrière les convives