Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
Le Caire

à comprendre quelque chose. Du reste leur « ah ! » dans le même ton, seul véritable applaudissement arabe, salua longuement le couplet amoureux.

Mais leur enthousiasme retomba dès que reprit l’action.

Rien à faire pour les réveiller de leur torpeur, même lorsque Roméo, voulant, après son mouvement devant le moine, remettre son poignard dans sa ceinture, le laissa trois fois de suite tomber par terre, jusqu’à ce que sortit du milieu du décor une duègne inattendue, laquelle, appliquée, soigneuse, parvint enfin à remettre ce poignard dans sa gaine résistante, puis s’en alla comme elle était venue.

Personne ne riait dans la salle. Sauf moi.

Cependant la fin de la pièce sauva sans doute cette représentation sans succès. Car, aux lamentations de Juliette dans le tombeau, de toute la salle partit cette fois un éclat de rire énorme. Dans sa joie le public entier se tapait sur les cuisses, n’ayant jamais entendu ni vu quelque chose de plus comique.


Qu’est devenu par la suite le Théâtre arabe, je n’en ai jamais rien su.

Au moment où nous allions partir pour la Haute-Égypte, le docteur Keating, médecin chef de l’hôpital, nous fit signe.

Il voulait nous montrer avant leur classement un lot de momies préhistoriques reçues le matin même.

Dans une immense cuve, c’était, en toutes lettres, un salmis de corps sans bandelettes, jambes et bras dépassant en désordre de cette véritable casserole.

En les examinant à leur arrivée, coup d’œil encore succinct, le docteur avait déjà pu faire l’éloquente découverte qu’il nous communiqua. Penchés avec lui, nous examinions. Ces momies, qui, toutes, étaient fémi-