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Louxor

leuses à huile entre lesquels nous avancions. J’entends encore, répété jusqu’à l’infini, le glapissement lointain, monotone et comme rythmé de je ne sais quelles bandes de chiens que devait fasciner la lune. Ce véritable cercle magique troublait seul la nuit pétrifiée.

Comme nous allons passer le seuil du temple, un saisissement nous arrête sur place.

Dans la tête de la déesse, laissée creuse par ceux qui en coulèrent le bronze, une petite lumière a été cachée. Sa lueur n’illumine que deux fentes obliques, les yeux, prunelles de chat géant qui, phosphorescentes, nous regardent.

Nous sommes vraiment très impressionnés. M. Legrain, heureux d’avoir réussi son effet, commence son petit cours.

Même passée l’heure où la visite en est autorisée, on nous avait accordé de nous promener à notre guise dans les ruines de Louxor.

Un soir que nous y étions seuls au milieu de la couvée des dieux, statues démesurées assises ou debout à tous les tournants, on eût dit tout à coup que l’une d’elles, rapetissée à la taille humaine, se remettait à vivre.

C’était, qui marchait lentement sous le ciel crépusculaire, un grand indigène vêtu de la longue et sombre robe de l’Égypte, et coiffé de son turban blanc. Incompréhensible, il avançait avec des incantations accompagnées de gestes magnifiques.

Nous l’abordons. On s’explique. Ou plutôt il s’explique.

Il est venu là, comme il le fait souvent, pour essayer de voir le pharaon. Le pharaon, chaque jour, au soleil couchant, apparaît sur le lac (sorte de mare à moitié desséchée) que nous voyons là. Il est dans son bateau d’or rempli de richesses. À celui qui pourra l’apercevoir reviendront tous ces trésors. Mais, même le bruit de la respiration, le pharaon l’entend. Et tout aussitôt, il se fait invisible.