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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/233

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El Arab

fresques miniatures, aussi fraîches que du neuf, racontaient sur les murailles la vie du monarque.

Et je me remémorais :

« Soixante dix jours rituels dans un bain de natron ; injections et garnitures d’aromates ; intérieur du corps farci d’amulettes et de petites statuettes ; bijoux de toutes sortes ; entourage de figurines. Puis, après trois mois de préparations : onction d’huile sainte ; dorure du visage et des mains ; parfums ; emmaillottement ; revêtement de bandelettes ; linceul peint ; gaine de carton ; cercueil orné de peintures magiques, sarcophage ; enfin emmurement dans le tombeau le plus compliqué, le plus scellé, le plus dissimulé du monde — voilà ce que c’est qu’une momie royale au fond de sa maison d’éternité. »

— Allons-nous en ! me souffla mon mari. J’aperçois l’agence Cook qui descend.

Ce souci perpétuel de la tombe, mort embaumée qui conserve à jamais la forme terrestre, le sacerdoce, pour dire le mot, que représentait cette mort aux yeux de l’Égypte antique, c’est la suprême expression, quand on y réfléchit, d’un amour furieux de la vie.

Au sein même de cette terre sud-égyptienne où le fabuleux passé semble tout dominer, nous l’aurons vue un matin, la vie, s’extérioriser magnifiquement dans l’oubli total des millénaires précédents.

Ne connaissant que leur Islam et rien d’autre, comme ils ignoraient bien les temples et les tombeaux environnants, les quelque soixante agriculteurs couleur de bronze surpris par nous dans leur première prière !

Nous passions à cheval le long de bâtiments indigènes élevés parmi des récoltes — celles du Nil —. Un seul coup d’œil, et cette vision qui ne s’effacera plus :

Dans une longue grange où, du fond de l’ombre, des brins de paille jettent leurs étincelles, tous les soixante habillés de blanc, exacts comme une chorégraphie, imma-