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El Arab

triques, l’une plus haut, les deux autres plus bas, et soigneusement écartées l’une de l’autre.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Et toutes les voix enfantines répondent ensemble :

— Ça ?… C’est la marque du géant !

— La pierre d’en haut marque sa tête, les deux autres ses épaules.

Ils parlent tous à la fois. L’histoire finit quand même par se dégager.

Le géant vivait aux temps anciens. Sa tombe est dans le cimetière, tout près. Dans cette tombe, il n’est pas mort. Il est simplement couché, lisant le Coran, sa grande lance à côté de lui.

— Menez-nous à ce cimetière !

Au moment d’en franchir la porte, voilà tous ces gosses qui se mettent à crier. C’est le contraire du couvent. Je peux regarder la tombe, moi, mais mon mari pas.

— Pourquoi ?

Parce qu’il ne veut pas qu’on le dérange dans sa lecture. Si le saïed mon mari s’approche, le géant le touchera de sa lance, et alors malheur ! Car à partir de ce instant, le saïed sera tous les mois incommodé comme le sont les femmes.

Voyant que nous entrions tous deux malgré cette sombre prophétie, ils se dispersèrent avec des clameurs de peur.

… Et la tombe était, en effet, celle d’un homme beau coup plus grand que nature.


Mais le pouvoir étrange de ce géant n’était rien près de celui d’un certain saint dont le nom est sorti de ma mémoire.

On nous l’apprit dans le mausolée où nous allions visiter la tombe d’Abd-el-Kader.

On sait qu’Abd-el-Kader vécut ses dernières années d’exil à Damas, puis y mourut venue son heure. J’y vu les harems de sa descendance, et nous y avons rencontré ses petits-fils, Damasquins qui ne savent rien