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El Arab

Il tendit l’oreille quelques secondes encore, la flamme noire de ses yeux s’accentua, puis, toujours en français il murmura comme pour lui-même, résumant d’un mot le sens prophétique du rêve maternel :

— Ça, c’est la place de chasseur que je demande depuis un mois à l’hôtel Excelsior d’Alger !


Je note également la caravane croisée un autre jour au plus immense du désert et que mon mari salua d’un Essalâmou ’aleïkoum ! sonore (le salut soit sur vous autres !) formule coranique recommandée par le Prophète. La réponse due est : Oua ’aleïkoum essalâm ! (et sur vous autres soit le salut !).

Mais, puisqu’il s’agissait d’un Roumi, le chef de la caravane rétorqua sans même se retourner, et en français : « Bonjoû ! Bonjoû ! »

Mohammad lui-même proférant une des sourates de son Coran n’aurait pas eu plus de majestueuse colère que le docteur Mardrus rabrouant le musulman malappris. Je ne comprenais pas, mais je devinais.

De saisissement la caravane s’était arrêtée. Quand les imprécations cessèrent, d’un seul mouvement tous les chameaux furent tournés du côté d’où ils arrivaient. Pour écouter encore l’étranger extraordinaire qui venait de leur faire honte dans un tel langage, ces nomades n’hésitaient pas à rebrousser chemin.

De la chère Tunis où nous rentrâmes pour l’hiver je détache encore, suite à tant d’autres souvenirs déjà soulignés, ce matin de février passé tout entier dans une vaste prairie, à me gorger d’oranges brûlantes de soleil, cueillies à même des orangers par centaines, beaucoup portant à la fois fleurs et fruits sur leurs branches.

… Et aussi plusieurs soirs sous la Koubba du Belvé-