Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/173

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et moi de toi ; héritage plus grand et plus précieux que la royauté des Perses.

Diogène

Que veux-tu dire ?

Cratès

La sagesse, la modération, la vérité, la franchise, la liberté.

Diogène

Par Jupiter ! je me souviens que c’est là la richesse que je reçus d’Antisthène, et je te la laissai augmentée encore.

Cratès

Mais les autres négligeaient ces biens, et personne ne nous faisait la cour dans l’espoir de devenir notre héritier. Tous n’avaient d’yeux que pour l’or.

Diogène

Cela n’est pas étonnant. Ils n’étaient pas en état de recevoir de nous ces richesses, tellement le plaisir les avait épuisés et rendus comme des bourses sans fond. Ces gens-là, quand on voulait verser en eux de la sagesse, de la franchise, de la vérité, ils coulaient, ils fuyaient ainsi qu’un vase qui ne peut rien garder. C’est l’histoire des Danaïdes versant aussi de l’eau dans un tonneau percé ; mais l’or, ils le serraient avec les dents, avec les ongles, avec tout ce qu’ils pouvaient.

Cratès

Aussi avons-nous, même ici, toute notre richesse ; eux, ils ne viendront qu’avec une obole, et encore restera-t-elle au batelier.

12. Alexandre, Annibal, Minos et Scipion

Alexandre

Il est juste que j’aie la préférence sur toi, Africain ; tu ne me vaux pas.

Annibal

Pas du tout ; c’est à moi qu’elle est due.

Alexandre

Eh bien ! prenons Minos pour juge.

Minos

Qui êtes-vous ?

Alexandre

Celui-ci est Annibal le Carthaginois ; moi je suis Alexandre, fils de Philippe.

Minos

Par Jupiter, vous êtes illustres tous deux ! Mais quel est le sujet de votre dispute ?

Alexandre

La prééminence ! Celui-ci prétend avoir été meilleur général que moi ; et moi, comme chacun sait, je soutiens que je l’ai emporté en talents militaires non seulement sur lui, mais sur presque tous ceux qui m’ont précédé.