promettait l'impossible. Lorsque nous sommes arrivés à la porte des Enfers, au moment où, suivant l'usage, je comptais mes morts à Éaque, et que celui-ci en vérifiait le nombre sur le rôle envoyé par ta sœur, voila mon drôle qui, je ne sais comment, se dérobe à ma surveillance, s'évade et disparaît. Il manquait donc un mort à notre calcul. Alors Éaque, fronçant le sourcil : "Ne t'avise pas, Mercure, me dit-il, d'exercer avec tout le monde ton talent de voleur ; garde ces plaisanteries pour le ciel : chez les morts, tout est exact, et l'on n'y peut rien soustraire. Le rôle, comme tu vois, porte quatre mille quatre morts inscrits ; il en manque un, à moins que tu ne prétendes qu'Atropos t'a donné un compte mal fait." A ce reproche, le rouge me monte au visage, je me rappelle aussitôt ce qui nous était arrivé le long du chemin ; je regarde autour de moi, je ne vois plus mon drôle, je comprends qu'il s'est enfui, je me mets à courir après lui de toutes mes jambes du côté où l'on revient au jour : cet excellent homme se met de lui-même à la poursuite ; nous partons comme deux coureurs lancés dans la carrière, et nous le rattrapons déjà dans le Ténare : un instant de plus, il était parti.
5.
Et nous, Charon, qui accusions Mercure de négligence !
Pourquoi tarder encore ? N'avons-nous pas perdu assez de temps?
Tu as raison. Allons! en barque ! Moi, mon registre à la main, assise auprès de l'échelle, je vais procéder à la reconnaissance de chacun des passagers, savoir quel il est, d'où il vient, comment il est mort. Toi, Mercure, prends-les l'un après l'autre et range-les ici. Mais d'abord fais monter les enfants nouveau-nés. Que pourraient-ils répondre ?
Tiens, batelier, en voilà trois cents, y compris ceux qui ont été exposés.
Ah ! la bonne prise ! C'est du raisin vert que tu nous amènes là !
Veux-tu, Clotho, que nous embarquions avec eux les morts qui n'ont pas été pleurés ?
Tu veux dire les vieillards ? Oui, A quoi bon me préoccuper de ce qui s'est fait avant Euclide <ref> Dans la guerre du Péloponnèse, les Lacédémoniens, ayant vaincu les Athéniens, établirent dans Athènes trente tyrans, qui vexèrent les citoyens et rendirent leur tyrannie si odieuse, que les Athéniens secouèrent leur joug, les chassèrent de la ville, rétablirent