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Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/421

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HISTOIRE VÉRITABLE.

duisent à leur souverain. Celui-ci nous considère, et jugeant qui nous étions d’après nos vêtements : « Étrangers, nous dit-il, vous êtes Grecs ? » Nous répondons affirmativement. « Comment alors êtes-vous venus ici en traversant un si grand espace d’air ? » Nous lui racontons notre aventure, et lui, à son tour, nous dit la sienne. Il était homme et s’appelait Endymion ; un jour, pendant son sommeil, il avait été enlevé de notre terre, et, à son arrivée, on l’avait fait roi de ce pays. Or, ce pays n’était pas autre chose que ce qu’en bas nous appelons la Lune. Il nous engagea à prendre courage et à ne craindre aucun danger, qu’on nous donnerait tout ce dont nous aurions besoin.

12. « Si je mène à bien, ajouta-t-il, la guerre que je suis en train de faire aux habitants du Soleil, vous passerez auprès de moi la vie la plus heureuse. — Quels sont donc ces ennemis, disons-nous, et quelle est la cause des hostilités ? — Phaéthon, répond-il, roi des habitants du Soleil, car le Soleil est habité comme la Lune, nous fait la guerre depuis longtemps. Voici pourquoi : j’avais rassemblé tous les pauvres de mon empire, et j’avais dessein de les envoyer fonder une colonie dans l’Étoile du Matin, qui est déserte et inhabitée. Phaéthon, par jalousie, voulut y mettre obstacle, et, vers le milieu de la route, il se présenta devant nous avec les Hippomyrmèques[1]. Vaincus dans le combat, par la supériorité du nombre, nous sommes forcés d’abandonner la place. Mais aujourd’hui je veux reprendre la guerre, et si vous voulez partager avec moi cette expédition, je vous ferai donner à chacun un de mes vautours royaux et le reste de l’équipement. Dès demain nous nous mettrons en marche. — Comme il vous plaira, » lui dis-je.

13. Il nous retient alors à souper et nous demeurons dans son palais. Le matin, nous nous levons et nous nous mettons en ordre de bataille, avertis par les espions de l’approche des ennemis. Nos forces consistaient en cent mille soldats, sans compter les goujats, les conducteurs des machines, l’infanterie et les troupes alliées : le nombre de ces dernières s’élevait à quatre-vingt mille Hippogypes[2], et vingt mille combattants montés sur des Lachanoptères[3]. C’est une espèce de grands oiseaux tout couverts de légumes au lieu de plumes, et dont les ailes rapides ressemblent beaucoup à des feuilles de laitue. Près d’eux étaient placé les Cenchroboles[4] et les Scorodomaques[5] ;

  1. Ἵππος, cheval ; μύρηκος, fourmi.
  2. Ἵππος, cheval ; πυγή, fesse.
  3. Λάχανον, légune ; πτερόν, aile.
  4. Κέγχρος, millet ; βάλλειν, lancer.
  5. Σκόροδον, gousse d’ail ; μάχεσθαι, combattre